Nous sommes imprégnés d’un modèle médical qui oppose médecin au malade, le thérapeute au patient, le savant à l’ignorant. Pourtant le succès d’une guérison ne revient pas au seul soignant, mais à la nature qui s’aide elle-même. Le modèle du pouvoir médical induit une position de supériorité du soignant sur le soigné qui renforce un sentiment de culpabilité, voire de honte chez celui qui demande de l’aide. En effet, la démarche de consulter est inconfortable. La posture traditionnelle qui renvoie le malade à une place de déchu, de marginal ou de déviant, nous connaissons la réticence du public à s’adresser aux professionnels, ancrée dans la croyance que « les psys, c’est pour les fous ! » La posture gestaltiste vient secouer le schéma classique. Dans une perspective de champ, nous ne pouvons plus déclarer « c’est ton problème ! » ou « c’est mon problème », nous sommes obligés d’envisager que ce qui se passe là, entre nous devient « notre problème »
Il ne s’agit pas de nier la dissymétrie de la relation puisque client et thérapeute ne sont pas mus par le même besoin, ne sont pas là dans le même objectif. L’un expose sa souffrance à l’autre qui l’accueille, l’un s’adresse à l’autre et le paye. Cette différence de statut fait partie de la situation commune.
Je rejoins la psychologue clinicienne Claude Revault d’Allonne, qui invite à lâcher le présupposé qu’il puisse y avoir un demandeur et un demandé : « Toute situation interhumaine suppose, une double démarche essentielle, de savoir et d’amour, de connaissance et de reconnaissance, et que demandeur et demandé s’y retrouvent tous deux en position de demandeurs, sans quoi aucune rencontre n’est possible »
Cette posture engage le psychothérapeute en tant que personne. Il ne peut plus se retrancher dans une neutralité aussi bienveillante soit-elle. Qu’il le veuille ou non, il est partie prenante de la situation. Sa manière de s’impliquer dans la relation et son éventuel dévoilement conditionnent le déroulement du processus. Livrer notre « éprouvé », reconnaître notre influence, observer la nature et l’effet de l’impact sur le client requièrent un apprentissage. Formation et supervision n’ont de fin.
Refusant le rôle d’expert qui sait ce qui est bon pour l’autre, le psychothérapeute tente de faire abstraction de ses préjugés et de ses projets pour être ouvert à ce qui se produit avec l’autre. Il découvre avec le client, il s’étonne, il l’accompagne et le soutient dans cette découverte.
Cette perspective dépasse la question de la cohérence théorique, elle est la garantie d’une éthique qui exclue la manipulation, le rendement, l’exploitation…
Voilà ce qu’est la gestalt pour moi, tout à fait en accord avec cette auteure qui est psychothérapeute Gestalt.